Chronique : L’esprit républicain

Publié par Lucas sur 19 Mai 2015, 11:36am

Janvier 2015, tu pensais y échapper avoue hein, mais non mon raisonnement à bien commencer en Janvier 2015. Juste avant les attentats de Charlie Hebdo pour vrai dire. En situation d’échec scolaire, et bloqué par mon âge je me suis retrouvé à la maison sans pouvoir rien faire. Internet étant un outil formidable pour acquérir un peu plus de culture et avoir une ouverture d’esprit globale vis-à-vis des problèmes de l’actualité, je surfe. Je surfe comme 90 pourcent des adolescents français. Puis, je m’attarde sur certaines pages Facebook, « Marre d’avoir honte d’être Français » ou encore « La France aux Français » enfin bref vous voyez le genre quoi. Entre les polémistes à la télé et les fictions d’anticipations survendus avant même qu’elle puisse être lu je suis bloqué. On en était donc arrivé là. Moi pauvre petit ado de cité plutôt tranquille en périphérie de la capitale j’avais compris que notre Pays était au bord de l’implosion sociale.

« La bête n’est pas morte elle ne sommeille même plus » Kool Shen

Le Front national était devenu premier parti de France suite aux Européennes et je me sentais mal dans mon propre pays, et bizarrement, les gens clamant haut et fier leur attachement à une France telle qu’elle l’était avant me font détester mon pays. Retour en arrière, la révolution Française, les Lumières, les droits de l’homme, la poésie, Rimbaud, Desproges, Coluche, les Restos du cœur et même Jamel Debbouze ; toutes ces choses c’est ce qui me fait aimer la France. Pays d’accueil, d’arts et tout simplement un pays beau. Il suffit de voir Paris sous la neige ou encore entendre parler les personnes du sud pour savourer ce beau pays de France. Sauf qu’en Janvier 2015, je ne pouvais pas m’imaginer qu’aujourd’hui ce pays ce soit rabaissé à une telle faiblesse d’esprit. Pourtant on ne peut pas deviner quand on me voit que je suis un antiraciste primaire, si je vous assure.

7 Janvier 2014 : Attentats de Charlie Hebdo. On connait tous les événements, mais je voudrais vous partager mon point de vue sur tout ce qui s’est passé pendant et surtout après. Je suis chez mon père, la routine, c’était un mercredi. Je traine sur l’ordinateur en écoutant quelques morceaux de musiques quand je reçois un message. « Mec Charlie Hebdo… », Premier réflexe, je souris, je pense bien sûr qu’ils ont fait une couverture graveleuse qui en fera hurler plus d’un mais qui au fond n’est pas méchante… Je mets une chaine d’info en continue, celle avec le logo jaune, Wolinski, Cabu, Charb et les autres sont morts. Je m’écroule sur une chaise. Merde on les a tués. On a tué des blagueurs, des dessinateurs de bite. Une fois le coup de massue passée je me rends compte de quelque chose. Les français s’étaient unis. Les soirs, les douze treize quatorze janvier nous étions tous ensemble main dans la main. On avait été attaqué dans notre humour, dans notre humeur, on s’était senti trahis. C’était ce qui pouvait arriver de mieux à la France. Je vous explique. Relisez en haut, l’implosion sociale, la xénophobie, le racisme qui était devenu banal c’est tout juste si on n’insultait pas les musulmans de France en plein JT de 20h. Ça ne m’aurait pas choqué si j’avais entendu « Toutes façon les bougnoules faut les dégager » autour d’un pichet de rouge au journal de TF1. Je me sentais opprimé, moi qui rêve de soulèvement populaire, d’un nouveau Mai soixante-huit, d’une révolution. Je me sentais libre, dans mon élément. Pour moi la France était tombé tellement bas, et cet événement l’a remise sur pied et on a tous vu son vraie visage.

11 Janvier 2015 : La marche républicaine. Qu’es ce qu’on a pu me saouler avec ça. Vous n’avez pas idée du bordel que c’était. Vous vous doutez bien que j’ai pris mon peu de patriotisme que j’avais dans les mains et j’y suis allé. Mes amis, ma famille, personne ou presque ne voulait venir avec moi. « Ça va recommencer, c’est sur » ; « On a volé des bouteilles de gaz dans la nuit on en parle pas pour ne pas effrayer la population ». Voilà les propos que j’ai entendus. Tout le monde était là pourtant présent sur les réseaux sociaux, les bars, les réunions entre potes ; tout le monde y aller de sa petite anecdote mais personne ne voulait bouger. C’était ma première grosse désillusion. On ne vivait pas comme en 1789 ou en 1968, aujourd’hui on ne fait pas la révolution dans la rue mais dans sa chambre, dans son salon, derrière son ordinateur. Alors j’y suis allé, seul, avec le cœur dans la main, et aujourd’hui je le dis c’était la meilleure journée de ma vie. On a marché, on a crié et pour la première fois de ma vie j’ai chanté La Marseillaise avec le cœur. Le soir venu je suis rentré chez moi, l’esprit serein apaisé sans me soucier de l’actualité des images diffusé en boucle sur toutes les chaines de télévision.

12 Janvier 2015 : Je me suis réveillé tôt ce jour-là, un peu comme après une gueule de bois… La bouche pâteuse, la tête dans un brouillard et pour cause, j’avais vu qui était dans le cortège de tête la veille. Une marche pour la liberté de la presse, d’expression, de la deconnade et devant nous, nous avions le premier ministre Israélien, un ex président Français impliqué dans des affaires plus que douteuse et un représentant du gouvernement Russe… François Hollande reprenait des points dans les sondages et la récupération politique ce faisait petit à petit. Viens ensuite la part la plus horrible, les jours d’après. Ce n’est pas de la paraphrase, chaque drame, chaque tragédie doit être parfaitement traité par nos dirigeants et pour une fois notre président a parfaitement jouer son rôle. Mais après… Mon dieu. La représentante de l’extrême droite dans une ces citadelles, on s’interroge à grand coup d’amalgames sur le terrorisme en France et la France repart dans ses travers…

29 Mars 2015 : Il s’en est passé des choses depuis hein… Et pourtant j’avais l’impression que rien n’avait changée. L’extrême droite était toujours surexposée car vendeuse d’audimat, on cherche à stigmatiser une partie de la population et la population a de nouveau peur. Les cérémonies notamment l’enterrement de Charb m’a bouleversé, j’ai encore plus envie d’écrire qu’avant. Alors c’est ce que j’ai fait, j’ai fait quelques démarches pour pouvoir monter mon propre journal avec des bénévoles. La mairie m’a très vite fait comprendre que cette idée était très risquée dans le contexte actuelle. Encore une fois on voit le courage partir aussi vite qu’il est arrivé en France. J’étais désabusé, j’avais honte de mon pays. Mais pour ne pas finir sur une note pessimiste, elle a plus d’un tour dans son sac la vieille dame. Je ne parle pas du club de Turin mais bien de la France, suivez un petit peu s’il vous plait. A l’heure où j’écris c’est soir d’élection, les départementales. Pour ne pas vous mentir, je voyais déjà les extrêmes au pouvoir car selon le vieux dicton des piliers de comptoir « Quand les parasites règnent l’extrême droite est le problème. » alors comme un petit mouton j’étais dans mon canapé à Vingt heures. Une petite musique et je ne prête même pas attention aux résultats, je mets mon regard sur les chiffres de l’extrême droite. ZERO.

Quelque chose a changé. Je ne sais pas quoi, la forme est pareil mais le fond à profondément changé. Si nous voulons un meilleur pays pour nous, dans notre vieillesse il faut faire quelque chose et ça j’ai l’impression que nous l’avons compris.